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    Toute-toute première fois...

     

     

     

    Extrait du prochain ouvrage « CARNET DE CIRCULATION »

     



               
    Pour la première fois  de ma vie,  je vais me servir d'un chalumeau-découpeur pour me faire des frayeurs, grimper sur un pylône électrique et emmagasiner assez d’adrénaline pour le reste des jours à venir.

     Perché à une quinzaine de mètres de hauteur, je ressemble plus à un con qu’à un moulin à vent.

                Il fallait bien qu'un jour je fasse mes preuves et de cette première il fallait bien qu'un jour j'en parle.


    Vous avez de l'imagination ? Ben ça va vous servir.  Je plante le décor rapide, succinct, sans fioritures.


               
     Six mois auparavant  je m'accoutumais du port d'un costume cravate du parfait « homme bien sous tous rapports », je maniais la parole comme un curé le goupillon et le mot chalumeau s'apparentait à la paille que le garçon de café enfonçait dans mon lait grenadine glacé.

                  Aujourd'hui ce n'est pas le même, cette saloperie de chalumeau que je tiens dans la main, me donne du fil à retordre... Déroulant lentement le tuyau bleu de l'oxygène et le rouge du gaz propane, je mesure deux choses :

    - La première, c'est le chemin parcouru depuis le jour où j'ai décidé de quitter le poste ‘’ d’Homme à tout faire’’

    -  La deuxième, c'est le chemin à parcourir pour grimper sur ce foutu poteau métallique pour le découper.

                 Mon premier chantier de découpe de ferraille, contrat passé avec l'E.D.F dans la Haute-Loire, tout au bluff..  L'avant-veille le responsable me demandait si j'avais déjà fait ça : "Moi... La ferraille c'est une affaire de famille.... Nous, c'est de père en fils... y' a pas de problèmes "  Bien planté solidement sur mes deux jambes tremblantes, avec une envie de pisser trahissant une angoisse pas possible, j'ai le regard grave du gendarme et l'œil insouciant d'une jeune vierge.

                Quel culot et quel aplomb…je me demande bien quel diablotin me fournissait la force nécessaire pour balancer de telles vannes !

                Je prends tout mon temps pour allumer une clope, pas n'importe laquelle, c'est un Boyard-maïs au goût de chiotte qui laisse derrière ton passage, une bonne odeur de poubelle qui brûle. Cette merde qui se consume permet de rallumer le chalumeau sans avoir à sortir le briquet... Tous les anciens chiffonniers en porte un collé dans la commissure des lèvres, affreux mégot jaunâtre, plein de bave et qui pu... Je suis un pro. !

                Je dois faire illusion.  Devant moi j'ai quatre manouches, pas d'opérette mais des hommes des bois, noirs, dépenaillés, parfumés au feu de bois, éberlués de voir un gadgo se préparer à régler le compte à une tonne et demie de ferraille.


                La veille, je me suis  rendu sur les lieux de leur stationnement dans la banlieue de Brioude (Haute-Loire). J'avais besoin d'un manœuvre pour me donner un coup de main à rassembler les morceaux de fer. Ils sont venus à quatre, en famille, j'avais lancé un prix de journée de travail, il sera divisé en quatre.

               Je tremble pendant qu'ils commencent à décharger de l'outillage  je comprends que je ne vais pas être à la hauteur…même une fois « guimpé » sur ma tour, je n’ai plus l’air d’un con mais d’une gargouille…Ah..Notre Dame ! du Bon Secours…..Au secours !

    Parlons-en de la hauteur, je vais devoir grimper sur ce pylône de type Beaubourg en treillis. Il mesure une quinzaine de mètres de hauteur, partiellement désossé par des paysans du coin qui ont prélevé des cornières pour leur usage personnel.  Une fois coupés à la bonne dimension, les morceaux tomberont sur le sol  puis ramassés par mes aides, ils seront centralisés dans un coin pour que le camion équipé d'un grappin vienne les collecter. (je vous barbe avec ces détails..)


                C'est au pied du pylône qu'on voit le gars pas con...

                Pour le moment, moi le gars, je ne le vois pas.... Mais alors pas du tout, du tout. Il faut pourtant que je m'impose, je suis gadgo, étranger au milieu des rabouins, décidé à faire mon trou...Si je veux perdurer dans ce milieu de forbans  il faut que je sorte mes tripes...Je suis un homme quand même ! Bon quand faut y aller.

              Je commence mon ascension, l'air dégagé, le regard vague fixant la ligne bleu électrique... Je vous rassure cet édifice n'est plus alimenté et les fils électriques en cuivre qui pendent, c'est pour ma pomme !  Plus je monte et plus ma virilité se recroqueville façon  escargot de Bourgogne, arrivé à mi-chemin de mon calvaire, première station, première génuflexion.

    Mon chemin de croix commence !

    Le « flambard » solidement accroché à la ceinture, (c’est l’appellation que les pros. donnent au chalumeau) je comprends aussitôt la bévue.  Les tuyaux sont trop courts... Il manque à cet endroit trois mètres. Il n'est pas question de demander à mes aides de déplacer les bouteilles qui attendent mes ordres pour cracher leur gaz.  Je redescends sous l'œil amusé des manouches.

    Bon... Je déplace les bouteilles de gaz au pied de ce foutu bordel de pylône. Je remonte, les manouches parlent entre eux, je ne comprends pas ce qu'ils racontent, c'est mieux pour ma fierté.  Je croise une fois encore les croisillons de métal trempés par ma sueur et par la peur.  Ça y est, je me cale le dos et je vais enfin pour voir commencer mon taf.

     

    Un coup fumant

     

    Avez-vous découpé au chalumeau ? Avez-vous un ancêtre qui allumait le feu en frottant des morceaux de bois ? Si oui... Vous me le présentez, vite... Car j'avais oublié mon briquet... je redescends... même chemin, même manouches avec un sourire un peu plus large... J'évite de croiser leurs regards... Je transpire ...de fureur !
    J'invente une facile explication du style «ah..ben t'as vu ? » Je remonte one more time. Au dessous de moi, ils sont assis sur l'herbe, ils rigolent… Les cons eux aussi mais moment de solitude.


    Je bats le briquet, règle les ouvertures du chalumeau....Rien. Anne ma sœur Anne  t'aurait pas un bonnet d'âne... T'as pas fini de me casser les couilles ? On ne peut pas dire que ça sent le gaz..  Je tremble de fatigue, grimper sur ce '' mont gris '' est une réelle partie de déplaisir. Je n'avais pas ouvert les robinets des bouteilles... Les autres en bas, ils se marrent franchement.  Je redescends.



    Le plus ancien vient vers moi «dicav chavo on va faire cuire » et oui c'est l'heure de la bouffe....
    «Je te prends ton camion, on va chercher du manger au village ».  Je me retrouve seul  tant pis, je vais me le faire ce connard, je vais le descendre ce putain de pylône, c'est lui ou moi !

    L’ascension


    Et hop, je remonte, ''mon Annapurna à moi c'est toi '' ! je m'installe, j'allume, ça marche, les premières étincelles jaillissent, le feu coupe le fer...ich bin le kaiser !! Ne pas baisser les bras.  Au fait comment on fait pour couper cette tourelle de fer en petits morceaux pour qu'ils tombent sur le sol sans m'entraîner dans leur chute ? 

    Dans le monde de la récupération de ferraille, il y a des règles à respecter pour que la mar­chandise proposée soit mise en valeur. En l'occurrence, les morceaux débités devaient mesurer 1 mètre par 1 mètre. Facile à dire...y' a plus qu'à.

            
    Un rapide calcul : si les manouches sont bien des manouches, ils vont parcourir les 8 kilomètres qui nous séparent du village, ils vont acheter pour 20 euros de bouffe et boire pour 50 euros de bière.  Sachant qu'ils vont profiter de la situation pour m'arnaquer.. C'est-à-dire travailler moins pour gagner plus... Il me reste environ une heure pour faire mon apprentissage de la découpe aérienne.

     

    A SUIVRE.....si vous le voulez bien.

     

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  • Donner une suite à : le prix de la soit-disant liberté.

    a celles et ceux qui m'ont fait l'honneur de "décortiquer" l'article  publié sur la vie formidable que vivent les Gens du Voyage, j'apporte par ce nouveau post un peu plus de plomb dans cette radieuse matinée.

     

     

    Dans cet univers impitoyable, Dallas ferait figure de bluette. Comme dépeints dans les chapitres précédents, les rapports de force sont les leviers des échanges au sein de la communauté. De nombreux exemples vécus confirment le fait qu'il n' y 'a pas de place pour les faibles. 

    Chaque année pour le ramassage des pommes, je retrouvais en Auvergne une grande famille Manouche. Confortablement installés prés d'une petite rivière, les hommes et les femmes étaient embauchés par les propriétaires locaux pendant un mois. A  la fin de la saison, le maire  laissait le droit de stationner durant quatre à cinq mois. Ils étaient passés maîtres dans l'art de la vannerie et les commandes étaient nombreuses. Le père voyageait en caravane hippomobile et j'ai  souvent noirci mes fonds de pantalons assis sur des souches d'arbres lors de soirées inoubliables.

    Gravures de cartes postales avec édredons en plumes, femmes aux jupons virevoltants, feu de camp surplombés par des marmites en fonte dans lesquelles mijotaient de fameux ragoûts... niglo itou...  Rien ne manquait à ces témoignages idylliques.

    C'EST QUOI LA FEMME ? 

     

     Et pourtant...  pour  avoir été présent et acteur je peux vous dire que la place de la femme n'était vraiment pas enviable.  A la période de leur menstruation, les quatre filles et l'épouse de «Neness» avaient droit à un régime à part car considérées comme impures. 

    Des couverts et ustensiles de cuisine leur étaient attribués et spécialement réservés durant cette période puis mis à la poubelle à la fin de leurs utilisations. Elles devaient effectuer les gestes de la vie courante dans un emplacement bien spécifique à l'écart du reste de la famille. Les nuits se passaient sous la caravane, emmitouflé dans une pelisse...on n’est pas des sauvages!!

    ON N'EST PAS DES BÊTES...NOUS !

     

    Sous cette verdine aux charmes romantiques vivait un être humain, un garçon à qui je ne pouvais pas attribuer d'âge. Enchaîné de jour comme de nuit à l'essieu de la roulotte, il poussait des cris et se comportait comme un animal. Son existence connue  par les autres familles n'avait rien d’officielle et chaque fois que j'ai tenté d'en connaître un peu plus, les visages se fermaient et la discussion se détournait. Tabous tous ces sujets concernant les esprits troublés.

     Il était la cible de la terrible méchanceté des autres membres de la famille, recevant des coups,  victime de la cruauté de son entourage.

     Deux écuelles en fer émaillé étaient remplies d'eau et de nourriture. Parfois il était trimbalé et sa longe attachée à un arbre. Une sorte de Mowgli, frissons garantis et inimaginable que je pose les questions qui fâchent.

     Puis une année, à leur retour je n'ai pas revu ce garçon appelé Yempa.

    Mais je vous rassure, ce n’était pas  prés de chez vous et il y a bien longtemps…..cela fait 15 ans.

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  • Un ami, Philippe, fait circuler le résultat d'une enquête qui ne fait aucun doute.....

     

    Au 7e jour, alors que Dieu avait fini de créer le monde, il décida de créer également les peuples avec leurs qualités et leurs défauts.

         Assisté de l'ange Gabriel, il se mit à la tâche et dit :
    >     Ceux-là seront Suisses : économes et financiers avisés.
    >     Ceux-là seront Canadiens : résistants et bon vivants.
    >     Ceux-là seront Allemands : rigoureux et excellents techniciens.
    >     Ceux-là seront Américains : puissants et grands libérateurs.
    >              Etc.

       Quand vint enfin le tour des Auvergnats, il restait à Dieu 
    >     3 qualités  : 
    >     intelligence, honnêteté et socialisme.

        Dieu dans sa grande bonté décida de les donner toutes les 3 aux Auvergnats !
    >     Hé là, objecta l'ange Gabriel, Vous êtes injuste Dieu, vous donnez trois qualités aux Auvergnats au lieu de deux comme aux autres".

        Non" répond Dieu, je t'explique : les Auvergnats veulent toujours plus que les autres donc, bon prince, je leur donne trois qualités mais ils ne pourront en exploiter que deux à la fois".

    >        Et c'est pour cela qu'en Auvergne
    >     si on est intelligent et honnête, on n'est pas socialiste
    >     si on est intelligent et socialiste, on n'est pas honnête
    >     si on est honnête et socialiste, on n'est pas intelligent...
    >      
    >             FOUCHTRA ! à bientôt...

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  • Traditions secculiéres

     

    Sur les routes de Provence, alors que rien ne laisser présager cette rencontre, le temps loin de s'être arrêter à fait un retour en arrière.....

    Pourquoi ?......je vais le demander au vent.....il en connait des histoires et sait à qui les raconter.

    Il est des us et coutumes chez vous comme dans le monde des gens du voyage.  Ce que je vais vous raconter est l'aboutissement d'un long cheminement dans lequel deux cultures se sont côtoyées, toisées, jugées.

    Acceptant les différences, les acteurs de ce témoignage ont fait que les portes se sont ouvertes... Mais sans baisser la garde.

    Le fait de brûler la caravane de cette ancêtre sur mon terrain et en ma présence est la preuve indéniable d'une confiance accordée sans retenue à moi le gadjo.


    Les obsèques ont eu lieu la semaine dernière, en présence de toute la famille mais là, il s'agit d'un rite ancestral : lorsqu’une personne décède, on ne doit rien garder, il n'y a pas d'héritage. Chaque membre de la famille choisit un objet en souvenir du défunt et ensuite, on brûle la caravane. « Le feu est un symbole sacré qui nous aide à faire le deuil », explique Jean P.... « J'ai demandé ton accord car c'est la première fois qu'un tel cérémonial a lieu à Vic-le-Comte d'autant que les jeunes abandonnent de plus en plus cette coutume. »


    Après l'avoir vidée de tout produit pouvant être dangereux, Jean a donc aspergé d'essence la caravane puis y a mis le feu. 

    Entouré de ses enfants, de ses frères et sœurs, il a regardé brûler jusqu'au dernier moment et malgré la chaleur, ce qui fut sa maison et celle de sa maman.


    Lorsque quelques années auparavant j'ai fait la connaissance de cette famille, la dizaine de cara­­vanes qui les abritaient, s'étiraient comme une guirlande le long des fossés du haut pays Comtois en Auvergne. 

    À cette époque la circulation était moins dense, les automobiles circulaient plus lentement.  Les occupants étaient moins stressés et les lieux de stationnement pour nomades beaucoup moins remplis.

    Il était rare que les femmes possèdent le permis de conduire et comme les stationnements autorisés se trouvaient à proximité des bourgs les allées et venues se faisaient «pedibus cum jambis ». 

    Pour cette famille de Manouche, j'étais un cas. 

    J'étais un gadjo mais avec des attitudes de « gens de chez eux » rendant volontiers service sans contreparties, correcte en affaire, respectant leurs coutumes, parlant leur langue, faisant face à leurs débordements intempestifs  après trop de boissons  et marié à une gitane dont le renom de sa famille inspirait le respect.

     

    Déjà mon beau-père m'avait enseigné les rudiments de base des échanges verbaux.  Ma curiosité et la fréquentation d'autres familles avaient consolidé cet apprentissage. Il est difficile de tromper quelqu'un qui comprend votre langue alors que les échanges se font en langue romani. Il fallait donc aller au contact de cet  étranger  et se rendre compte de ce qu'il avait dans l'estomac.


    Un matin, une délégation de six hommes s'est présentée sur mon chantier de récupération de métaux.


    Elle était menée par le chef de famille, grand escogriffe replié sur lui-même, donnant l'impression d'avoir une taille normale et qui, lors de la discussion, vous posez deux énormes mains sur vos épaules plantant son regard de fou dans vos mirettes.  Il se dépliait pour vous toiser de ses deux mètres dix en grinçant des dents dans le but d'impressionner son interlocuteur. Une serpette disproportionnée de vannier ornait la ceinture de son pantalon de velours côtelé.


    Son fils aîné, Jean qui devint mon ami, l'accompagnait en de telles circonstances, non pas pour le protéger mais pour endiguer ses débordements. Il était flanqué à sa droite d'un de ses fils Bob.

     Personnage haut en couleur adoptant une position caractérisée lorsqu'il parlait. Le pied gauche en avant, l'avant-bras gauche en appui sur la cuisse, Il ne fixait que très rarement son interlocuteur. L'homme portait une petite moustache noire qu'il entretenait en la noircissant au charbon de bois.


    L'autre membre de la garde rapprochée était son gendre préféré. Cet homme, le Vieux '' tout en rondeur '' arborait un sourire hollywoodien. En discutant il secouait la tête qui lui servait de tour de contrôle lui imprimant des rotations de quasi 360 degrés, toujours sur le qui-vive, en éveil et à l'affût de quelques bons tours à jouer aux gadgés. 

    La spécialité de ses deux compères inséparables à la ville comme à la scène : le rempaillage de chaises et la réfection de panières très spéciales en osier pour les boulangers.


    Le dernier des Pieds nickelés avait la position enviée de gendre de la petite fille. Son surnom'' Bani'' ne m'a jamais été traduit, tout le monde s'accordait à dire que c'était un gars bien. Pesant cent kilos ressemblant à un stère de bois par ses proportions, la nature l'avait doté d'une pilosité monstrueuse. 

    De dos, vous ne pouviez faire la différence entre ses cheveux longs et les poils du dos qui se rejoignaient. Détail marrant, il était roux et avait les yeux bleus en forme de billes de loto sur une gueule toute noire.


    Hormis Jean, ils avaient en commun l'amour de l'alcool et s'entendaient comme larrons en foire.

    Quand ces messieurs causaient affaire, ils formaient un cercle au tour de leur client qui,  harcelé de questions complètement farfelues et d'attitudes quasi-menaçantes, se trouvait déstabilisé.


    Leurs fréquentations des bars étaient la cause de soirées animées. Bob avait une curiosité physique assez rare, une sorte de jabot interne, comme une double gorge dans laquelle il gardait au sec un demi-litre de liquide et assez longtemps pour aller le cracher en cachette. 

    Dans les bars, ils pariaient qu'il pouvait boire cul sec une bouteille d'eau-de-vie. L'argent collecté, notre assoiffé mettait de côté en remplissant sa cachette secrète un demi-litre de gnôle puis quelques instants après allait se soulager. 

    Bani alignait 4 canettes de bière en verre, cote à cote dans sa bouche grande ouverte et glou et glou. Pari tenu, pari gagné et par ici la monnaie.


    Nous avons réalisé des centaines de coups de commerce.  Jean  était chargé des négociations entre moi et l'acheteur principal ou des clients avec lesquels il traitait directement.  Parfois, je préférais fermer les yeux ou détourner mon regard... Maurice, tu pousses le bouchon un peu trop loin...

    Pour les quantités importantes de rempaillage de chaises ou de fabrication de paniers, je devenais un commerçant gadjo honnête qui avait pignon sur rue. Chargé de rassurer la clientèle des hôteliers, je faisais alors bonne figure, palabrant avec le client, le rassurant au maximum et me retrouvant dans une merde sans pareil lorsqu'un de ces fous vendait les fauteuils qu'il venait de réparer à un quelconque client de passage.


    Quelque temps auparavant j'avais bu le café en compagnie de la phuri dai (vieille femme). J'avais reçu l'invitation de la part d'une de ses belles-filles, fait très rare. La vieille femme était assise sur les marches de sa caravane, l'air pensif, sirotant un ersatz de café.  Je suis resté dehors comme le veulent les us et coutumes. 

     Sa belle-fille à ses côtés ne pipait mot aspirant bruyamment de petites goulées de café.  L'air était vif, le camp étrangement silencieux. Même les habituels curieux qui venaient roder aux alentours de mon camion à chacune de mes visites, avaient dû ce matin-là rester au lit.


    L'ancienne restait muette, sa bru continuant à aspirer son café fixant le sol du regard. Aucun homme de la famille n'était présent ce qui constitue un grave manquement et en d'autres circonstances cela m'aurait valu de sérieux problèmes. 

    À ma dernière lampée de café, j'ai rendu le bol vide à la belle-fille qui, à mon grand étonnement, pivota sur elle-même pour entrer dans la caravane me laissant le bras tendu, seul face à la vieille mère.

    Alors que je ne savais quelle attitude adopter, l'ancienne releva le menton et planta ses yeux dans le miens tout en ce saisissant du bol. J'ai touché ce jour-là un câble de vingt mille volts. J'étais tétanisé, sans réaction aucune, pétrifié. Je ne sais combien de temps a duré cet instant de statue de sel.

     La vieille Manouche est rentrée dans son logement nomade sans prononcer une parole, sa belle-fille en se mettant face à moi avait un visage serein, reposé comme rassurée. Je n'ai rien compris, certainement que j'ai dû les traiter de « puri yalli y dinli » (pauvre vieille folle) qu'ai je fais après ? Mes souvenirs se perdent dans les couloirs du temps.

    La vieille femme a rejoint ses ancêtres peu de temps après ma visite.

    Le temps de la crémation étant passé, les restes de la caravane ont été dispersés dans mon chantier de récupération de ferraille et de démolition.

    La nuit suivante, petit temps frisquet d'Auvergne, les chiens aboient et se ruent comme seuls ces cons de chiens savent le faire, m'obligeant à me lever. 

    Ils étaient à l'arrêt, vociférant devant une silhouette qui de loin semblait flotter vaguement. J'ai actionné le bouton de la lampe électrique, les chiens se sont tus, pour cause, il n'y avait plus rien à voir. Hallucination mon cher Watson, il est urgent de consulter ou de changer de marque de boisson alcoolisée.  

    Retour au bercail pour les chiens qui au passage s'excusent du dérangement puis plongeon dans mon lit.

    La nuit suivante derechef, les chiens aboient la caravane passe. La silhouette est de face, elle paraît grande, sa robe flotte à quelques dizaines de centimètres du sol. Je distingue nettement la tenue vestimentaire. Elle est composée d'une jupe longue évasée à sa base, de couleur gris clair, d'un chemisier à fleurs délavé et d'un châle de laine écru sur les épaules. Sur des cheveux longs gris est noué un morceau d'étoffe dont je ne distingue pas la couleur. Je ne vois pas son visage, il est peut-être 2 ou 3 heures du matin. À la différence de la veille, les chiens sont assis sans maître (fallait bien que je le fasse celle-ci hein Cathy) ils ne grognent plus et ne manifestent plus d'animosité. Tout est calme sauf... Moi !


    On dirait la mère du Jean,  je n'en crois pas mes yeux. Si jamais je raconte cette vision, je vais passer pour un fou. Bêtement, je lève le bras et agite la main en signe de salut... J'aurais peut-être dû lui offrir le café, la nuit est fraîche ! 

    Encore une fois en quelques secondes cette apparition disparaît me laissant en compagnie des chiens complètement pantois. Regagnant ma couche, je me promets bien de ne rien dire à Cathy mais il faut que j'aie une discussion avec la famille.


    Durant les nuits suivantes, le phénomène se reproduisit.
    Dans les jours qui suivirent ces apparitions, je n'ai pas vu la queue d'un manouche chez moi. Un matin prenant le courage qui me restait à deux mains, j'ai enfilé mon énième café et vent debout, je file dans cette famille.

    Avant que commence le rituel du «came te piyes caféia », Jean a bien vu que quelque chose ne tournait pas rond.  D’'un signe de la main, il a renvoyé les spectateurs et la nuée de marmaille qui s'agglutinait à nos basques.


    « C'est à cause de la camping que tu veux quelque chose ?».  Le mot camping est un générique désignant une caravane en général.  Je n'ai pas besoin de lui fournir d'explications supplémentaires. Le café avalé en de bruyantes aspirations, je repars une fois qu'il m'ait dit « je vais m'en occuper »


    Effectivement depuis ce jour précis, je n'ai plus eu de visions sur mon terrain.

     

     

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  •  

    Il s’appelait Savé, d’origine inconnue, peut être Hongrois, il parlait plusieurs langues mais s’exprimait avec le langage du cœur.

    Évadé du camp de RIVESALTES -66-il était un miraculé de la barbarie des  nazis. Certains soirs, lorsque le vent s’engouffrait dans sa mémoire, il nous racontait tout ce qu’il avait enduré durant son  internement dans les camps de la mort et sa rocambolesque évasion.

    Alors, il faisait appel à sa fidèle compagne la « brûlante » ou rachidi .

    C’était une bouteille en verre de 100 centilitres qui lui tenait compagnie jusqu’au bord du lit et lui donnait le courage de chanter :

    Vor der Kaserne, Vor dem großen, Tor Stand eine Laterne, Und steht sie noch davor, So woll'n wir uns da wieder seh'n, Bei der Laterne wollen wir steh'n
    Wie einst Lili Marleen.

    Puis s’échappaient de sa gorge quelques paroles d’airs traditionnels Tziganes qui souvent se terminaient par des sanglots.

    Nous avons été du Voyage avec cet homme et c’est au pèlerinage des Sainte Maries de la Mer que j’ai pris cette photographie.

    Ce soir, je vais vous donner des recettes de « bon manger » en vous racontant comment Savé nous faisait préparer le thé par sa femme. Lui,  l’Homme ne pouvait pas décemment nous le préparer devant les autres membres de la famille, ces pratiques n’ont pas cours chez les hommes du voyage !

    Il  y avait un Samovar fonctionnant à la braise de bois qui tenait l’eau bouillante. A part, les femmes préparaient dans une grosse théière du thé en feuilles, de couleur noir, très fort.

    J’ai retrouvé cette amertume dans le « gun powder » que j’ai partagé avec des Tinkers venus d’Irlande.

    Chacun des convives se servaient un peu de cet extrait de thé et allongeaient la boisson ave l’eau bouillante qui coulait du Samovar, à l’aide d’un petit robinet.

    Nous prenions un morceau de sucre que nous placions dans la bouche et en aspirant des goulées bruyantes entre les dents, nous avalions des lampées de thé amer.

    Certains soirs, des morceaux de fruits étaient ajoutés dans les tasses mais je dois reconnaitre que le plus souvent l’alcool rivalisait en partie égale avec ce thé.

    Il ya quelques mois j’ai eu le bonheur de boire le « TCHAIO » ou thé des Rroms.

    Dans une grosse tasse, ils mettaient  un  sachet de thé noir le plus fort possible,  du sucre vanillé, du sucre normal (il vaut mieux en prévoir une grande quantité !)  Un peu de cannelle en poudre ou en bâton roulé puis une ou des rondelles de citron .De l’eau très chaude était versée et rajoutée au fur et à mesure de la consommation.

    Mais le plus terrible était non pas la confection du café...mais son absorption….

    Les femmes qui voyageaient avec Nous et Savé se servaient de grains de café qu’elles broyaient ou de café déjà moulu qu’elles trouvaient dans le commerce.

    Une cafetière en tôle était placée directement sur la braise d’un feu de bois puis remplie d’eau. Quatre à cinq cuillérées  à soupe de sucre étaient versées dans le récipient

    Elles prélevaient dans un bol un peu d ‘eau chaude sui servaient à diluer le café en poudre.

    Quand l’eau se mettait à chanter elles versaient sois les grains concassés soit la préparation à base de poudre, tout en remuant le mélange et en le laissant presque bouillir.

    J’ai goutté cette façon de préparer le café mais le lait avait remplacé  l’eau.
    J’en ai encore les frissons qui parcourent mon échine !

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