• Le prix de la sois-disant liberté

    Ce que vous allez découvrir est un court extrait d’un nouveau livre qui devrait paraître courant Juin 2016.

    De retour d’un voyage sur les traces de mon passé, pressé de questions par nos petits enfants, j’ai enfin compris que les souvenirs des jours passés pouvaient servir à guider ou à bâtir la future vie de nos descendants.

    Une réflexion me vient à vous confier  l’espérance suivante : ‘’ pourvu que mes petites filles ne connaissent pas la vie de leur grand-mère et de leur mère ‘’.

    Dans cet ouvrage, je tente de démystifier  la vie rêvée de Bohémiens, bel Andalous et Gitane tournoyante autour des feux de bois…..La réalité est tout autre.

     

     LES PLACES DÉSIGNÉES

     

    Alors que nous vivions en communauté sur les places réservées au stationnement des Gens du voyage,  la promiscuité était telle qu'il était impossible d'échapper aux discutions et disputes des autres riverains. Les emplacements sont disposés de telle façon qu'il est possible de regrouper les membres d'une famille constituant des zones bien délimitées ou les autres Voyageurs ne s'aventurent pas trop en principe. Il y a des places désignées (c'est ainsi que sont appelées les aires de stationnement) entièrement réservées aux membres d'une seule et même famille.


    Dans les communes de moindre importance où le gardiennage est assuré par un employé municipal, il n'est pas rare que le caïd  du coin réserve pour plusieurs mois un certain nombre de places pour son clan. Le gardien placier déclarera que tout est complet aux nouveaux venus empêchant ainsi à une famille rivale de venir séjourner et donc travailler  sur la région.  Les lois de ce milieu sont féroces et respectées. Tout au long de la journée c'était un va-et-vient incessant de voisins venant quémander un peu de sel, d'huile, du feu, des cigarettes, une adresse pour un renseignement quelconque.  

     Tout est prétexte à venir cogner à la porte de la caravane pour se faire une idée sur la personnalité de l'occupant... et de ses capacités à résister à l’envahisseur.              

     En principe les hommes ne toquent pas aux portes surtout hors la présence du patron des lieux mais...il  y' a des exceptions… et alors, quel merdier par la suite.

    Les premières impressions étaient rassemblées et discutées par les commères locales avec force détails et images au moment du sempiternel café, c'est-à-dire tout au long de ces interminables journées. Les avis portés sur les occupants d'une caravane sont principalement d'ordre critique.

     Ces dames prêtent des intentions à ces messieurs que ces derniers expriment de façon franchement ouverte mais elles tiennent tout de même leur rang d'épouse et mère de famille vertueuse.

    Tout est fait de « on dit », les réputations se battissent et se défont au gré des rencontres.

    CHANT DE GLOIRE DE LA JEUNE FEMME... OU MARCHE FORCÉE ?

     

    «Il faut que je m'en va faire mon parquet» Ce chant du départ s'entend aux quatre coins du monde de Gitanie.  C'est la phrase magique prononcée par une femme c'est-à-dire par une voyageuse qui a la charge d'une caravane. C'est un grade, une considération qui élève la personne au rang de femme qui a des responsabilités. Il faut donc qu'elle aille passer le balai et ranger sa nouvelle demeure indiquant ainsi aux autres femmes qu'elle est prête à devenir une femme modèle, une épouse intentionnée.

    Pour Nous, après avoir vécu de nombreuses années  aux cotés de différentes ethnies constituant les Gens du Voyage, la vie que va vivre (pour ne pas dire subir) une jeune mariée se joue à pile ou face.

    Son homme gentil ou pas gentil ?

    Sa belle famille accueillante ou chemin de croix ?

    La belle fille appartient à la famille de son homme.


    ENFIN ELLE EXISTE...

     

    Ça y est, elle existe, elle a un homme dans sa vie, elle ne sera plus en principe la proie d'un mariage arrangé ou forcé.  Cette jeune et jolie voyageuse (aux alentours de ses dix-sept printemps) va petit à petit connaître les hivers rigoureux durant lesquels elle va endurer le poids de sa belle-famille, les humeurs de son seigneur et maître qui revenant après une journée passée «à Dieu seul sait ce qu'il a bien pu faire» sera accompagné de beaux-frères, frères et faux frères, bien décidé  à prouver qu'il est le patron.

    QUI C'EST L'HOMME ICI ?


    « Qui c'est l'homme ici ?»  Cette question sans réponse, je l'ai entendu des milliers de fois. Généralement, elle est accompagnée de claques sonores, ponctuées de bruits de vaisselle cassée et de cris de douleur.

    Vous l'aurez compris, les rapports de force sont omniprésents et il faut qu'ils le soient en la présence des autres membres de la famille.

    «Mama quel homme le Tonio, il a fait manger le cendrier à la Sonia, t'aurais dicav il l'a roulée sur la place à coups de pied».   Les spectateurs approuvent, regardent, ne perdent pas un détail prenant exemple sur cette merveilleuse scène de ménage... 

     On ne sait jamais ça pourrait me donner des idées !

    LA TRADITION A DU BON

     

    La douce aimée en est quitte à ramasser les débris, à relever la tête tout en continuant de servir son amour d'homme et les invités. Plus tard, aux femmes de la famille venues se rincer l'œil pour voir si les coups ont bien porté elle déclarera le front baissé : « Il avait raison, c'est de ma faute sur mes petits frères.»


    Et puis avec patience et pour faire comme toutes les femmes, elle attendra non sans une certaine crainte que son «doux et aimant tortionnaire » rentre très tard dans la soirée ou tôt le matin, d'un pas mal assuré ramenant avec lui quelques litres de bière mal digérée. Souvent, cette compagne de tous les jours ressort en geysers ! Pas question de se plaindre à sa famille,  «la latche» (la honte) jamais une femme battue ou violée ne quittera son mari, inconcevable d'ailleurs son grand-père, son père et ses frères font de même...


    Le temps passera, ici je compte en mois, elle se languira de ne plus voir sa famille, elle constatera que son mari rentre trop tard, se plaindra de ne plus avoir assez de maquillage pour camoufler les traces d'impétuosité de son amant, des «chavés (les enfants) qui font "qu'à lui briser le moral", des soirs de conten­tesse (de joie) où elle se tombe en pâmoison (expression courante chez ces jeunes femmes) 

    Et puis après quelques printemps quand les nombreuses maternités lui auront ôté ses courbes prometteuses, que les centaines d'heures passées à regarder les feuilletons des gadgés à la télé lui feront dire :

    «Ah non je préfère ma vie de liberté à toutes ces loubni (femme de mauvaise vie) qui font qu'à se faire bouillave par des gadgés qui n'ont même pas de respects ».... 

      Elle deviendra une mère de famille nombreuse, rompue aux tâches ménagères, abonnée aux heures de visite des parloirs de prison, asservie par des coutumes venant d'un autre âge '''mais que sa mère lui a transmis et que sa fille aînée devra...''.  En fin de compte, elle sera semblable à toutes les autres victimes d'un système archaïque et sexiste dont elle ne pourra et ne voudra pas s'échapper.

    Dans ce système d'éducation qui voile la femme,  la fille aînée est sacrifiée. Sa place est un doublon avec sa mère. Elle est une seconde maman dans les taches de tous les jours qui deviennent vite des corvées.


    Les petits frères et petites sœurs débarquent très vite, enrichissant ainsi une famille compliquée à gérer vu l'étroitesse des locaux et le caractère impétueux de chaque membre.

     « Elle n'aime pas l'école... les gadgés y sont trop méchants» et elle suit les cours par correspondance c'est mieux... 

    Pour qui ?

     

     

    « Je cause françois aussi bien que toiUn monde impitoyable et cruel »
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  • Commentaires

    1
    Vendredi 29 Avril 2016 à 21:43

    merci pour ce témoignage poignant ! vous êtes un homme vous ne serez donc pas taxé de féminisme outrancié comme je peux l'être quand je parle de notre condition féminine ! cordialement !

      • Samedi 30 Avril 2016 à 05:25

        Vous influez de l'air libre  à notre communauté....respirez à plein poumons...j’apprécie vraiment à leur juste valeur vos coups de tonnerre en sachant que vous ne pouvez pas plaire à tout le monde..en d'autres temps je vous aurais imaginé  en brandissant un gourdin destiné aux gourdes dingues " qui m'aime me suive"..et bravache je  vous aurais devancé ! 

    2
    Jeudi 12 Mai 2016 à 22:00

    WAOUH !!! ce qui m'impressionne en dehors du fait que tu énonces une "vie que je ne connais pas", c'est ta façon de le faire, !!!  comme j'aimerais être amenée à rencontrer un homme tel que toi,  qui sait prendre du recul vis à vis de son vécu, .....tu n'enjolives rien, je suis sure que tu n'exagères rien...... tu dis simplement ce qu'il y a à dire !!! pourtant je pense que tu aimes ces gens dont tu parles mais tu ne les défends pas, tu ne les excuses pas, ou alors je n'ai rien compris du tout !!! je me pose plein de questions !!! je suis très intriguée !!!

    Bises !!!  et merci de partager tout ceci avec nous !!!

      • Vendredi 13 Mai 2016 à 05:01

        Comme je l'ai dit "derrière chaque pseudo grand homme ..se tient une femme encore plus grande" même avec une poêle à frire  à la main ...ne me faites pas meilleur que je le suis...CATINOU  est présente à mes cotés, c'est elle qui m'a entraîné dans ce monde parallèle. j'ai simplement ce don ( aie les chevilles qui enflent !) de pouvoir témoigner et la chance d'avoir vous comme lecteurs insomniaques.

      • Vendredi 13 Mai 2016 à 22:11

        Alors fais une grosse bise à Catinou pour être à tes côtés !!! c'est beau ce que tu as écrit là !!!!!! vous faites une belle équipe tous les deux !!!

         

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