• La faim et les moyens pour la combattre

    Ce que j'ai connu de plus beau sur cette terre ?, c'est ma faim.Elle a toujours était fidèle.

    André GIDE.

     

    Je vous rassure, ce n'est pas en relisant mes livres de chevet que je me suis senti capable de faire référence à ce grand monsieur de la littérature.

    C'est en dégustant des papillotes de Noël que je suis « tombé » sur cette citation, plutôt marrant comme quiproquo...chocolat et faim.

    Les Noëls d'autre fois n'ont plus aucun rapports avec ceux de ce siècle.

    Pourtant...( tiens, revoilà mes foutus points de suspension ) rappelez-vous ce que vous disaient vos « anciens ».

    Imaginez avec une voix chevrotante : « Ah de mon temps...au pied du sapin, il y avait une orange comme cadeau... »

     

    Dans ma famille je n'ai jamais manqué d'amour et le cadeau était bien là : un filet d'orange ! Sacré veinard que je suis.

    Maintenant que j'ai une boite aux lettres, je mesure la débilité des us et coutumes de Noël. Il y a des monceaux de publicités concernant la façon dont on va flatter vos plus bas instincts, je veux parler de la bouffe et du sexe.

    Je ferai l'impasse sur le sexe, j'en ai assez mangé..(ces points de suspension pour laisser libre cours à votre imagination ).

    Quant à la faim, elle me fit « l' horreur » de m'accompagner à différentes étapes de ma vie.

     

    Est-ce pour cette raison que mon premier livre a été sur la cuisine des Gens du Voyage et que je fais souvent la comparaison entre mes écrits et le repas ? 

    Me permettrez-vous de vous raconter un des jour de Noël passé en la compagnie d’une famille de Gitans en ARLES .

    La seconde partie, plus sombre, vous mènera dans les méandres de mes souvenirs. 

    Vous me suivez....En route pour le casse-croûte.

     

    En cette veille de la nouvelle année surgissant d'on ne sait où, une idée originale dégringola sur le petit groupe dont je faisais partie. Nous étions bien calés prés d'un grand feu de bois. Cette nouvelle à laquelle personne ne s'attendait fit l'effet d'une bombe : «et si pour le réveillon on faisait la fête».

    «Bon Dieu mais oui, mais c'est bien sûr» aurait pu répliquer le commissaire BOURREL ( je m'adresse aux anciens téléspectateurs qui regardaient à la télé ce feuilleton des années soixante dix)

    «By Jove» s'écria Nathael ( pas le prophète mais un gendre du maître des lieux) il était protes­tant et faisait partie de cette église les Baptisés .

    Il animait la controverse à chaque fois qu'il était pris de boisson,'' anonant''' comme un bon apôtre les citations de la Bible, livre sacré dans lequel il trouvait toujours une bonne excuse pour commettre un méfait.... mais puisque le Seigneur le couvrait..

     

    Le deuxième gendre, Pierre, véritable colosse, Auvergnat d'origine, approuva en hochant de la tête. Il déploya son double mètre, et s'étirant il laissa apercevoir un énorme dragon tatoué qui enveloppait son avant bras gauche, remontait en couvrant une partie de son puissant torse et finissait sa course vagabonde dans le creux de ses reins «et si on mangeait des fruits de mer?»

    «What a good idea » aurait pu dire le pater familia, propriétaire de lieux et chez qui tout ce beau monde résidait en caravane pour les festivités du jour de l'an..

    Mais ce brave homme, dont le diminutif était "Jimmy" avait d'autres préoccupations et ne par­lait pas l'anglais.

    Il était trop occupé à préparer de gros haricots blancs qui allaient cuir dans de la graisse de canard. Cette cuisson allait se dérouler dans une véritable marmite en fonte sur le feu de bois aux quels s'ajoutaient de l'ail, du persil, une plaquette de beurre, de la harissa, sel-poivre.

    L'urgence était bien là. Le guet-apens qui se mettait en place tenait l’assistance en haleine.

     

    ''Être ou ne pas être de l’en cas''..voila la question.

    Fallait il à cette heure précise ( dix-sept heures ) accepter de manger une grosse assiette d' ha­ricots au lard de canard, bons à damner le gendre Pentecôtiste ou alors valait il mieux se défiler  au risque de passer pour un couard, pour pouvoir à dix-neuf heure se mettre à table en famille...That's the question.

    La controverse vint de la part d'un jeune homme .Se faisant, ce sympathique garçon vivait "à la va comme je te pousse" pas trop vite le matin et doucement l’après midi.

    Mais question amusement et polka des mandibules..il se posait en winner.

    Pour une fois ce qu'il soulevait avait du poids. Manger des haricots certes.. mais en buvant quoi?... Dilemme des plus cruels, A cette heure présentement la bière s'imposait, mais boire de la ''gros-tambour'' avec du canard! y' allait avoir schisme et embrouilles à coup sûr .Alors que faire?

    Jimmy, instigateur et propriétaire des lieux, de la marmite, des haricots et de la dernière de­meure du palmipède trancha. En lançant un ordre digne d'un «en avant les gars, passez devant je vous suis»

    « … tiens fils vas me chercher une cagette de bières, pendant que ça finit de cuire..après on boira l'apéro...». Il débloquait la situation de manière intelligente. J'appelle ça un consensus.

    Il savait ménager la chèvre et le choux mais il était plus fort avec le canard et les haricots.

    Vers les sept ou huitième bières, l'heure de goutter sonna enfin. Je ne m'appesantirais pas sur le casse croûte, les haricots gorgés de graisse s'en sont chargé.

    Le débat fut relancé « plateau de fruit de mer » lança un bâfreur en ouvrant la bouteille de Ricard.

    "Non merci pas après les haricots!" répondit le jeune homme.. Mais non fou, pour le réveillon!

    La grave décision fut prise entre deux tournées de Pastis car nous nous approchions du repas du soir. Ce qui fut dit fut fait.

    La veille du premier janvier en Arles, un gros plateau de fruit de mer fut consommé.

    ''Un peu spécial ''avait coutume de dire "L’homme au dragon.

    Nous étions douze adultes et une bonne dizaine d'enfants dont l'age permettait de consommer des huîtres palourdes et autres moules et des enfants en bas age abonnés aux biberons.

    Dans un pièce surchauffée et décorée comme lors d'un rodéo au Texas, nous faisions bonne fi­gure aux agapes prés pantagruéliques qui allaient suivre.

    Après avoir envoyé «ad patres» de la charcuterie, du foie gras, des «amuse-bouches» il fut dé­cidé d'aller respirer frais à l'extérieur. Il faut laisser le temps au temps.

    Un camion plateau MERCEDES de type 312 entra dans le corral, accompagné par une horde de chiens semblable au traîneau du père Fourrasse Noël.

    Le conducteur menait avec précaution son attelage et stoppa devant nous. Les hommes présents rabattirent les ridelles du camion plateau, pro­voquant des exclamations de joies parmi les convives..

    Sur le plateau du véhicule était rangé une vingtaine de plateau de fruits de mer méga format. Cette vague de fruits de mer était accompagnée d'un tsunami de cartons de bouteilles de vin blanc, d'une quantité de petits pots d’aïoli et de plusieurs plateaux «spécial enfants».

    Irréel, incroyable, démesuré et indécent .Quel spectacle rare, toute cette marchandise, rien que du frais.

    J'imaginais les passants qui avaient assisté au chargement du camion en centre ville.

     

    Si vous me le permettez, je donnerais une suite à cette faim qui fut souvent ma compagne. Chez moi, cela avait un nom : la danse du buffet vide ".

    Sans vouloir plomber l'ambiance de fête  qui devrait régner en cette période de "Nowel" ...pas toujours triste, vous me connaissez.

     

     

     

    « En un tour de mainsLa faim ( suite) »
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  • Commentaires

    1
    Prigent Ninaïe
    Lundi 18 Décembre 2017 à 09:42

    Oh! la! la! quelle histoire! je lis ton texte avec la dinde de Mister Bean sur la tête. N'osant ouvrir la porte sur cette cène aux douze apôtres ...mais quel humour et quelle imagination elle suscite ! On peut facilement dessiner  les haricots blancs à la graisse de canard de Jimmy et les huîtres en attente avec la bouteille de Ricard. Boudi! ça change des poésies aux goûts oranges amères des histoires de nos passés affamés mais je les respecte profondément aussi quand la faim sans vivre reste toujours malheureusement fidèle pour certain aujourd'hui. Comme pour ta citation de Gide choisie: "ce que j'ai connu de plus beau sur terre...c'est ma faim" La faim "désir" mais pas la faim famine. La faim! Quel thème inspirant en cette période de fin d'année aux catalogues de surabondances écœurantes mais il ait une faim magique, c'est la faim famille, la faim ensemble et surtout la faim partage. S'il reste encore sur le feu de bois et dans la marmite en fonte quelques beaux haricots avec ail, persil, beurre et hariza ...Moi, j'dis pas non.

    Merci Loup! excellent texte même après les fruits de mer en final on attend volontiers la suite...

      • Samedi 23 Décembre 2017 à 06:27

        " La table est le seul endroit où l'on ne s'ennuie jamais pendant la première heure."

        J'ai aussi connu la faim qui fait crier le ventre et taire les bonnes consciences...dictant à ses mains de faire n'importe quoi.

        Ce manque m'a donné "la faim " de découvertes et maintenant en votre compagnie je deviens glouton !

        Mon cri de guerrier :  A TABLE

    2
    Lundi 18 Décembre 2017 à 10:16

    J'connaissais les camions-plateaux, mais pas les camions-plateaux de fruits de mer... où est le concessionnaire ?

    Bonne journée

      • Samedi 23 Décembre 2017 à 06:19

        ..dis donc question véhicules bizarres tu en connais un rayon !  sacré veinard !

    3
    Vendredi 22 Décembre 2017 à 09:46

    repas de fete avec les moyens du bord et au systeme D,

    loin des festivités de riches (qui doivent parfois s'emm....der a leurs fetes entre le caviar et les huitres au champagne LOL)

      • Samedi 23 Décembre 2017 à 06:18

        Merci à toi "ho Gaulois au casque ailé" ..

        C'st vrai que notre univers est un peu dingue..mais je n'ai jamais connu l'ennui et chaque jour je m'étonne un peu plus.

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