• Traditions seculaires

    Traditions secculiéres

     

    Sur les routes de Provence, alors que rien ne laisser présager cette rencontre, le temps loin de s'être arrêter à fait un retour en arrière.....

    Pourquoi ?......je vais le demander au vent.....il en connait des histoires et sait à qui les raconter.

    Il est des us et coutumes chez vous comme dans le monde des gens du voyage.  Ce que je vais vous raconter est l'aboutissement d'un long cheminement dans lequel deux cultures se sont côtoyées, toisées, jugées.

    Acceptant les différences, les acteurs de ce témoignage ont fait que les portes se sont ouvertes... Mais sans baisser la garde.

    Le fait de brûler la caravane de cette ancêtre sur mon terrain et en ma présence est la preuve indéniable d'une confiance accordée sans retenue à moi le gadjo.


    Les obsèques ont eu lieu la semaine dernière, en présence de toute la famille mais là, il s'agit d'un rite ancestral : lorsqu’une personne décède, on ne doit rien garder, il n'y a pas d'héritage. Chaque membre de la famille choisit un objet en souvenir du défunt et ensuite, on brûle la caravane. « Le feu est un symbole sacré qui nous aide à faire le deuil », explique Jean P.... « J'ai demandé ton accord car c'est la première fois qu'un tel cérémonial a lieu à Vic-le-Comte d'autant que les jeunes abandonnent de plus en plus cette coutume. »


    Après l'avoir vidée de tout produit pouvant être dangereux, Jean a donc aspergé d'essence la caravane puis y a mis le feu. 

    Entouré de ses enfants, de ses frères et sœurs, il a regardé brûler jusqu'au dernier moment et malgré la chaleur, ce qui fut sa maison et celle de sa maman.


    Lorsque quelques années auparavant j'ai fait la connaissance de cette famille, la dizaine de cara­­vanes qui les abritaient, s'étiraient comme une guirlande le long des fossés du haut pays Comtois en Auvergne. 

    À cette époque la circulation était moins dense, les automobiles circulaient plus lentement.  Les occupants étaient moins stressés et les lieux de stationnement pour nomades beaucoup moins remplis.

    Il était rare que les femmes possèdent le permis de conduire et comme les stationnements autorisés se trouvaient à proximité des bourgs les allées et venues se faisaient «pedibus cum jambis ». 

    Pour cette famille de Manouche, j'étais un cas. 

    J'étais un gadjo mais avec des attitudes de « gens de chez eux » rendant volontiers service sans contreparties, correcte en affaire, respectant leurs coutumes, parlant leur langue, faisant face à leurs débordements intempestifs  après trop de boissons  et marié à une gitane dont le renom de sa famille inspirait le respect.

     

    Déjà mon beau-père m'avait enseigné les rudiments de base des échanges verbaux.  Ma curiosité et la fréquentation d'autres familles avaient consolidé cet apprentissage. Il est difficile de tromper quelqu'un qui comprend votre langue alors que les échanges se font en langue romani. Il fallait donc aller au contact de cet  étranger  et se rendre compte de ce qu'il avait dans l'estomac.


    Un matin, une délégation de six hommes s'est présentée sur mon chantier de récupération de métaux.


    Elle était menée par le chef de famille, grand escogriffe replié sur lui-même, donnant l'impression d'avoir une taille normale et qui, lors de la discussion, vous posez deux énormes mains sur vos épaules plantant son regard de fou dans vos mirettes.  Il se dépliait pour vous toiser de ses deux mètres dix en grinçant des dents dans le but d'impressionner son interlocuteur. Une serpette disproportionnée de vannier ornait la ceinture de son pantalon de velours côtelé.


    Son fils aîné, Jean qui devint mon ami, l'accompagnait en de telles circonstances, non pas pour le protéger mais pour endiguer ses débordements. Il était flanqué à sa droite d'un de ses fils Bob.

     Personnage haut en couleur adoptant une position caractérisée lorsqu'il parlait. Le pied gauche en avant, l'avant-bras gauche en appui sur la cuisse, Il ne fixait que très rarement son interlocuteur. L'homme portait une petite moustache noire qu'il entretenait en la noircissant au charbon de bois.


    L'autre membre de la garde rapprochée était son gendre préféré. Cet homme, le Vieux '' tout en rondeur '' arborait un sourire hollywoodien. En discutant il secouait la tête qui lui servait de tour de contrôle lui imprimant des rotations de quasi 360 degrés, toujours sur le qui-vive, en éveil et à l'affût de quelques bons tours à jouer aux gadgés. 

    La spécialité de ses deux compères inséparables à la ville comme à la scène : le rempaillage de chaises et la réfection de panières très spéciales en osier pour les boulangers.


    Le dernier des Pieds nickelés avait la position enviée de gendre de la petite fille. Son surnom'' Bani'' ne m'a jamais été traduit, tout le monde s'accordait à dire que c'était un gars bien. Pesant cent kilos ressemblant à un stère de bois par ses proportions, la nature l'avait doté d'une pilosité monstrueuse. 

    De dos, vous ne pouviez faire la différence entre ses cheveux longs et les poils du dos qui se rejoignaient. Détail marrant, il était roux et avait les yeux bleus en forme de billes de loto sur une gueule toute noire.


    Hormis Jean, ils avaient en commun l'amour de l'alcool et s'entendaient comme larrons en foire.

    Quand ces messieurs causaient affaire, ils formaient un cercle au tour de leur client qui,  harcelé de questions complètement farfelues et d'attitudes quasi-menaçantes, se trouvait déstabilisé.


    Leurs fréquentations des bars étaient la cause de soirées animées. Bob avait une curiosité physique assez rare, une sorte de jabot interne, comme une double gorge dans laquelle il gardait au sec un demi-litre de liquide et assez longtemps pour aller le cracher en cachette. 

    Dans les bars, ils pariaient qu'il pouvait boire cul sec une bouteille d'eau-de-vie. L'argent collecté, notre assoiffé mettait de côté en remplissant sa cachette secrète un demi-litre de gnôle puis quelques instants après allait se soulager. 

    Bani alignait 4 canettes de bière en verre, cote à cote dans sa bouche grande ouverte et glou et glou. Pari tenu, pari gagné et par ici la monnaie.


    Nous avons réalisé des centaines de coups de commerce.  Jean  était chargé des négociations entre moi et l'acheteur principal ou des clients avec lesquels il traitait directement.  Parfois, je préférais fermer les yeux ou détourner mon regard... Maurice, tu pousses le bouchon un peu trop loin...

    Pour les quantités importantes de rempaillage de chaises ou de fabrication de paniers, je devenais un commerçant gadjo honnête qui avait pignon sur rue. Chargé de rassurer la clientèle des hôteliers, je faisais alors bonne figure, palabrant avec le client, le rassurant au maximum et me retrouvant dans une merde sans pareil lorsqu'un de ces fous vendait les fauteuils qu'il venait de réparer à un quelconque client de passage.


    Quelque temps auparavant j'avais bu le café en compagnie de la phuri dai (vieille femme). J'avais reçu l'invitation de la part d'une de ses belles-filles, fait très rare. La vieille femme était assise sur les marches de sa caravane, l'air pensif, sirotant un ersatz de café.  Je suis resté dehors comme le veulent les us et coutumes. 

     Sa belle-fille à ses côtés ne pipait mot aspirant bruyamment de petites goulées de café.  L'air était vif, le camp étrangement silencieux. Même les habituels curieux qui venaient roder aux alentours de mon camion à chacune de mes visites, avaient dû ce matin-là rester au lit.


    L'ancienne restait muette, sa bru continuant à aspirer son café fixant le sol du regard. Aucun homme de la famille n'était présent ce qui constitue un grave manquement et en d'autres circonstances cela m'aurait valu de sérieux problèmes. 

    À ma dernière lampée de café, j'ai rendu le bol vide à la belle-fille qui, à mon grand étonnement, pivota sur elle-même pour entrer dans la caravane me laissant le bras tendu, seul face à la vieille mère.

    Alors que je ne savais quelle attitude adopter, l'ancienne releva le menton et planta ses yeux dans le miens tout en ce saisissant du bol. J'ai touché ce jour-là un câble de vingt mille volts. J'étais tétanisé, sans réaction aucune, pétrifié. Je ne sais combien de temps a duré cet instant de statue de sel.

     La vieille Manouche est rentrée dans son logement nomade sans prononcer une parole, sa belle-fille en se mettant face à moi avait un visage serein, reposé comme rassurée. Je n'ai rien compris, certainement que j'ai dû les traiter de « puri yalli y dinli » (pauvre vieille folle) qu'ai je fais après ? Mes souvenirs se perdent dans les couloirs du temps.

    La vieille femme a rejoint ses ancêtres peu de temps après ma visite.

    Le temps de la crémation étant passé, les restes de la caravane ont été dispersés dans mon chantier de récupération de ferraille et de démolition.

    La nuit suivante, petit temps frisquet d'Auvergne, les chiens aboient et se ruent comme seuls ces cons de chiens savent le faire, m'obligeant à me lever. 

    Ils étaient à l'arrêt, vociférant devant une silhouette qui de loin semblait flotter vaguement. J'ai actionné le bouton de la lampe électrique, les chiens se sont tus, pour cause, il n'y avait plus rien à voir. Hallucination mon cher Watson, il est urgent de consulter ou de changer de marque de boisson alcoolisée.  

    Retour au bercail pour les chiens qui au passage s'excusent du dérangement puis plongeon dans mon lit.

    La nuit suivante derechef, les chiens aboient la caravane passe. La silhouette est de face, elle paraît grande, sa robe flotte à quelques dizaines de centimètres du sol. Je distingue nettement la tenue vestimentaire. Elle est composée d'une jupe longue évasée à sa base, de couleur gris clair, d'un chemisier à fleurs délavé et d'un châle de laine écru sur les épaules. Sur des cheveux longs gris est noué un morceau d'étoffe dont je ne distingue pas la couleur. Je ne vois pas son visage, il est peut-être 2 ou 3 heures du matin. À la différence de la veille, les chiens sont assis sans maître (fallait bien que je le fasse celle-ci hein Cathy) ils ne grognent plus et ne manifestent plus d'animosité. Tout est calme sauf... Moi !


    On dirait la mère du Jean,  je n'en crois pas mes yeux. Si jamais je raconte cette vision, je vais passer pour un fou. Bêtement, je lève le bras et agite la main en signe de salut... J'aurais peut-être dû lui offrir le café, la nuit est fraîche ! 

    Encore une fois en quelques secondes cette apparition disparaît me laissant en compagnie des chiens complètement pantois. Regagnant ma couche, je me promets bien de ne rien dire à Cathy mais il faut que j'aie une discussion avec la famille.


    Durant les nuits suivantes, le phénomène se reproduisit.
    Dans les jours qui suivirent ces apparitions, je n'ai pas vu la queue d'un manouche chez moi. Un matin prenant le courage qui me restait à deux mains, j'ai enfilé mon énième café et vent debout, je file dans cette famille.

    Avant que commence le rituel du «came te piyes caféia », Jean a bien vu que quelque chose ne tournait pas rond.  D’'un signe de la main, il a renvoyé les spectateurs et la nuée de marmaille qui s'agglutinait à nos basques.


    « C'est à cause de la camping que tu veux quelque chose ?».  Le mot camping est un générique désignant une caravane en général.  Je n'ai pas besoin de lui fournir d'explications supplémentaires. Le café avalé en de bruyantes aspirations, je repars une fois qu'il m'ait dit « je vais m'en occuper »


    Effectivement depuis ce jour précis, je n'ai plus eu de visions sur mon terrain.

     

     

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  • Commentaires

    1
    Samedi 5 Mars 2016 à 16:37

    Intéressante histoire! Ca me plait bien. N'as-tu pas eu la curiosité de savoir ce que Jean avait fait pour chasser ce fantôme? Peut-être qu'elle voulait demander quelque chose?

    J'aime bien connaître le fond des choses, la solution des énigmes, voilà que tu me laisses sur ma faim.

    Merci beaucoup d'avoir raconté cette expérience, belle fin de journée, piiiouk comme on dit à la Réunion.

      • Mercredi 9 Mars 2016 à 05:42

        J'ai ma petite idée sur le sujet et l'exposerais ce tantôt.

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    2
    Mardi 28 Février 2017 à 09:57

    bonjour

    interessante tradition que je decouvre grace a toi

    histoire amusante et a la fois triste par moment, merci de cette litterature

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