• Toute-toute première fois...

     

    Toute-toute première fois...

     

     

     

    Extrait du prochain ouvrage « CARNET DE CIRCULATION »

     



               
    Pour la première fois  de ma vie,  je vais me servir d'un chalumeau-découpeur pour me faire des frayeurs, grimper sur un pylône électrique et emmagasiner assez d’adrénaline pour le reste des jours à venir.

     Perché à une quinzaine de mètres de hauteur, je ressemble plus à un con qu’à un moulin à vent.

                Il fallait bien qu'un jour je fasse mes preuves et de cette première il fallait bien qu'un jour j'en parle.


    Vous avez de l'imagination ? Ben ça va vous servir.  Je plante le décor rapide, succinct, sans fioritures.


               
     Six mois auparavant  je m'accoutumais du port d'un costume cravate du parfait « homme bien sous tous rapports », je maniais la parole comme un curé le goupillon et le mot chalumeau s'apparentait à la paille que le garçon de café enfonçait dans mon lait grenadine glacé.

                  Aujourd'hui ce n'est pas le même, cette saloperie de chalumeau que je tiens dans la main, me donne du fil à retordre... Déroulant lentement le tuyau bleu de l'oxygène et le rouge du gaz propane, je mesure deux choses :

    - La première, c'est le chemin parcouru depuis le jour où j'ai décidé de quitter le poste ‘’ d’Homme à tout faire’’

    -  La deuxième, c'est le chemin à parcourir pour grimper sur ce foutu poteau métallique pour le découper.

                 Mon premier chantier de découpe de ferraille, contrat passé avec l'E.D.F dans la Haute-Loire, tout au bluff..  L'avant-veille le responsable me demandait si j'avais déjà fait ça : "Moi... La ferraille c'est une affaire de famille.... Nous, c'est de père en fils... y' a pas de problèmes "  Bien planté solidement sur mes deux jambes tremblantes, avec une envie de pisser trahissant une angoisse pas possible, j'ai le regard grave du gendarme et l'œil insouciant d'une jeune vierge.

                Quel culot et quel aplomb…je me demande bien quel diablotin me fournissait la force nécessaire pour balancer de telles vannes !

                Je prends tout mon temps pour allumer une clope, pas n'importe laquelle, c'est un Boyard-maïs au goût de chiotte qui laisse derrière ton passage, une bonne odeur de poubelle qui brûle. Cette merde qui se consume permet de rallumer le chalumeau sans avoir à sortir le briquet... Tous les anciens chiffonniers en porte un collé dans la commissure des lèvres, affreux mégot jaunâtre, plein de bave et qui pu... Je suis un pro. !

                Je dois faire illusion.  Devant moi j'ai quatre manouches, pas d'opérette mais des hommes des bois, noirs, dépenaillés, parfumés au feu de bois, éberlués de voir un gadgo se préparer à régler le compte à une tonne et demie de ferraille.


                La veille, je me suis  rendu sur les lieux de leur stationnement dans la banlieue de Brioude (Haute-Loire). J'avais besoin d'un manœuvre pour me donner un coup de main à rassembler les morceaux de fer. Ils sont venus à quatre, en famille, j'avais lancé un prix de journée de travail, il sera divisé en quatre.

               Je tremble pendant qu'ils commencent à décharger de l'outillage  je comprends que je ne vais pas être à la hauteur…même une fois « guimpé » sur ma tour, je n’ai plus l’air d’un con mais d’une gargouille…Ah..Notre Dame ! du Bon Secours…..Au secours !

    Parlons-en de la hauteur, je vais devoir grimper sur ce pylône de type Beaubourg en treillis. Il mesure une quinzaine de mètres de hauteur, partiellement désossé par des paysans du coin qui ont prélevé des cornières pour leur usage personnel.  Une fois coupés à la bonne dimension, les morceaux tomberont sur le sol  puis ramassés par mes aides, ils seront centralisés dans un coin pour que le camion équipé d'un grappin vienne les collecter. (je vous barbe avec ces détails..)


                C'est au pied du pylône qu'on voit le gars pas con...

                Pour le moment, moi le gars, je ne le vois pas.... Mais alors pas du tout, du tout. Il faut pourtant que je m'impose, je suis gadgo, étranger au milieu des rabouins, décidé à faire mon trou...Si je veux perdurer dans ce milieu de forbans  il faut que je sorte mes tripes...Je suis un homme quand même ! Bon quand faut y aller.

              Je commence mon ascension, l'air dégagé, le regard vague fixant la ligne bleu électrique... Je vous rassure cet édifice n'est plus alimenté et les fils électriques en cuivre qui pendent, c'est pour ma pomme !  Plus je monte et plus ma virilité se recroqueville façon  escargot de Bourgogne, arrivé à mi-chemin de mon calvaire, première station, première génuflexion.

    Mon chemin de croix commence !

    Le « flambard » solidement accroché à la ceinture, (c’est l’appellation que les pros. donnent au chalumeau) je comprends aussitôt la bévue.  Les tuyaux sont trop courts... Il manque à cet endroit trois mètres. Il n'est pas question de demander à mes aides de déplacer les bouteilles qui attendent mes ordres pour cracher leur gaz.  Je redescends sous l'œil amusé des manouches.

    Bon... Je déplace les bouteilles de gaz au pied de ce foutu bordel de pylône. Je remonte, les manouches parlent entre eux, je ne comprends pas ce qu'ils racontent, c'est mieux pour ma fierté.  Je croise une fois encore les croisillons de métal trempés par ma sueur et par la peur.  Ça y est, je me cale le dos et je vais enfin pour voir commencer mon taf.

     

    Un coup fumant

     

    Avez-vous découpé au chalumeau ? Avez-vous un ancêtre qui allumait le feu en frottant des morceaux de bois ? Si oui... Vous me le présentez, vite... Car j'avais oublié mon briquet... je redescends... même chemin, même manouches avec un sourire un peu plus large... J'évite de croiser leurs regards... Je transpire ...de fureur !
    J'invente une facile explication du style «ah..ben t'as vu ? » Je remonte one more time. Au dessous de moi, ils sont assis sur l'herbe, ils rigolent… Les cons eux aussi mais moment de solitude.


    Je bats le briquet, règle les ouvertures du chalumeau....Rien. Anne ma sœur Anne  t'aurait pas un bonnet d'âne... T'as pas fini de me casser les couilles ? On ne peut pas dire que ça sent le gaz..  Je tremble de fatigue, grimper sur ce '' mont gris '' est une réelle partie de déplaisir. Je n'avais pas ouvert les robinets des bouteilles... Les autres en bas, ils se marrent franchement.  Je redescends.



    Le plus ancien vient vers moi «dicav chavo on va faire cuire » et oui c'est l'heure de la bouffe....
    «Je te prends ton camion, on va chercher du manger au village ».  Je me retrouve seul  tant pis, je vais me le faire ce connard, je vais le descendre ce putain de pylône, c'est lui ou moi !

    L’ascension


    Et hop, je remonte, ''mon Annapurna à moi c'est toi '' ! je m'installe, j'allume, ça marche, les premières étincelles jaillissent, le feu coupe le fer...ich bin le kaiser !! Ne pas baisser les bras.  Au fait comment on fait pour couper cette tourelle de fer en petits morceaux pour qu'ils tombent sur le sol sans m'entraîner dans leur chute ? 

    Dans le monde de la récupération de ferraille, il y a des règles à respecter pour que la mar­chandise proposée soit mise en valeur. En l'occurrence, les morceaux débités devaient mesurer 1 mètre par 1 mètre. Facile à dire...y' a plus qu'à.

            
    Un rapide calcul : si les manouches sont bien des manouches, ils vont parcourir les 8 kilomètres qui nous séparent du village, ils vont acheter pour 20 euros de bouffe et boire pour 50 euros de bière.  Sachant qu'ils vont profiter de la situation pour m'arnaquer.. C'est-à-dire travailler moins pour gagner plus... Il me reste environ une heure pour faire mon apprentissage de la découpe aérienne.

     

    A SUIVRE.....si vous le voulez bien.

     

    « Prise de paroles ou prise de tête ?Toute-toute première fois....la suite »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks Blogmarks Pin It

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    Petitepaquerettes
    Vendredi 13 Mai 2016 à 21:28
    Oh c'est pas possible en pleine ascensions de nous laisser sur notre faim j'étais partie pour rire un coup... mais flûte je devrai patienter. . Vite vite la suite. .. petit Loup ferrailleur... : )
    2
    Vendredi 13 Mai 2016 à 22:20

    Evidemment que je viendrai lire la suite !!! mdr     mais j'avoue vu  le titre, que je m'attendais à une toute autre aventure .......... HEU .................BON 

    A très vite, j'adore ton humour, Catinou ne doit pas s'ennuyer ............. bises

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    3
    Vendredi 13 Mai 2016 à 23:07

           Il faut dire que tu n'en rates pas une .Mais je crois que c'est pour cela que je t’apprécie...que je te donne  toute ma confiance....Tu marches hors des sentiers battus ...comme moi!

    Bisous le nez ds ton pelage .

    Vite la suite

    Sabine

    4
    Samedi 14 Mai 2016 à 10:40

    Sourires MERCI !

    5
    Samedi 4 Mars 2017 à 10:19

    la premiere fois on s'en souvient toujours

      • Mardi 14 Mars 2017 à 03:47

        Oui et ils n'ont pas fini de rigoler dans les caravanes  !!!

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter