• Nenes le manouche (troisième partie)

    Les articles et clichés du web nous renvoient vers des tableaux idylliques.

    Imaginez :

    la roulotte (ou verdine)toute habillée de bois aux couleurs criardes, ornée de rideaux en dentelle comme une robe de mariée, relookée de poignées et barres dorées astiquées comme des escarpins vernis,

    un feu de camp impeccablement dressé avec 5 morceaux de bois verticalement placés comme des mains jointes adressant au ciel la supplique du campeur « pas de pluie, pas de vent, pas trop chaud derrière ni devant »

    une marmite tout de noir vêtue, portant en son sein la promesse d'un repas pour des estomacs par la faim tenaillés...

    sur le coté the Gypsie, Esmeralda en haillons et jupons « D.G » ….(.je précise pour les vieux comme moi Dolce-Gabbana....) chaussée des fameux zapatos de chez Zalando, les dessous de bras impeccables, même pas d'auréoles à ses seins ( peut on s'y vouer?) son caraco aux couleurs chatoyantes épouse une taille de fillette éthiopienne, faisant oublier ses 20 ans et les 4 enfants pondus en hâte.....

    Elle porte un regard de toréador assassin à un beau brun ténébreux, hidalgo aux yeux de braise, la mine burinée, le pantalon slim comme pas deux, faisant savoir aux dames qu'il est sévèrement burné (pas le falsard mais l' Ombre!).

    Ce tableau archétype du bel aventurier et de sa compagne la Gitane d’Édouard Manet colle parfaitement avec l'esprit « Francis Lopes » ….

     Et pourtant...  pour  avoir été présent et acteur je peux vous dire que la place de la femme n'était vraiment pas enviable....mais la tradition...

    A la période de leur menstruation, les quatre filles et l'épouse de «Nenes» avaient droit à un régime à part car considérées comme impures. 

    Des couverts et ustensiles de cuisine leur étaient attribués et spécialement réservés durant cette période puis mis à la poubelle à la fin de leurs utilisations.

    Elles devaient effectuer les gestes de la vie courante dans un emplacement bien spécifique à l'écart du reste de la famille mais nullement dispensées des corvées .

    A cette période du mois, la majeur partie des femmes dormaient sous la roulotte enroulées dans des couvertures à même le sol.

    Ces verdines qu mesuraient approximativement 4 mètres de long et 2,50 de large étaient toutes faites sur le même schéma. Une pièce principale avec un poêle à bois (nommé poêle de Dole) et occupant un tiers de la surface un lit dans lequel se couchaient les parents et les plus jeunes enfants.

    Surélevé de telle façon qu'en dessous puissent être dissimulés les vêtements, couvertures et autres draperies, il était équipé de portes en bois souvent sculptées et enrichis de poignées en laiton.

    Le soir il servait de refuge au reste de la famille, des matelas étaient étendus sur le plancher de bois, les nuits étaient agitées et courtes. (j'en ai fait de nombreuses fois l'expérience)

    Ce fameux poêle de Dole (nom de la cité Jurassienne qui abritait les fonderies dans lesquelles étaient fabriqués ces remarquables objets ) servait de moyen de chauffage et de cuisson lorsque le mauvais temps sévissait.Un tuyau de poele traversait le toit.

    Un soir de pluie Auvergnate, clôturant une semaine bien arrosée, n'ayant plus de bois sec, comme je débarquais à l'improviste, Nenes a fait cuir un" bout de barbaque"  sur ce fameux ustensile avec comme unique combustible....de vieilles paires de chaussures ! Il a bien fallu que j'avale quelques bouchées de cette infâme cuisine, lui, il avait déjà dîné ...

     

    Sous cette verdine aux charmes romantiques vivait un être humain, un garçon à qui je ne pouvais pas attribuer d'âge. Enchaîné de jour comme de nuit à l'essieu de la roulotte, il poussait des cris et se comportait comme un animal. Son existence connue  par les autres familles n'avait rien d’officielle et chaque fois que j'ai tenté d'en connaître un peu plus, les visages se fermaient et la discussion se détournait. Tabous tous ces sujets concernant les esprits troublés.

     Il était la cible de la terrible méchanceté des autres membres de la famille, recevant des coups,  victime de la cruauté de son entourage.

     Deux écuelles en fer émaillé étaient remplies d'eau et de nourriture. Parfois il était trimbalé et sa longe attachée à un arbre. Une sorte de Mowgli, frissons garantis et inimaginable que je pose les questions qui fâchent.

     Puis une année, à leur retour je n'ai pas revu ce garçon appelé Yempa.

     

    Une fois prochaine, je reviendrais comme Mac Arthur sur nos rapports avec Nenes le manouche à la casquette à carreaux.



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  • Commentaires

    1
    Dimanche 21 Août 2016 à 07:36

    Comme quoi vu de l'extérieur, certaines vies peuvent sembler tranquilles et plutôt sympa... mais vu de l'intérieur on découvre le revers de la médaille...

    Bon dimanche

      • Mardi 13 Septembre 2016 à 05:22

        et ce n'est que la parie visible de l'iceberg

    2
    Dimanche 21 Août 2016 à 09:21

    Sincèrement, je ne comprends pas, avec le caractère que tu as, comment tu as pu supporter de telles horreurs sans rien dire et sans partir.

    Il fallait vraiment que ton amour pour ta Cathy soit puissant.

    Bises et bon dimanche Loup.

      • Mardi 13 Septembre 2016 à 05:24

        Il y a une différence entre la vie des Manouches et les origines Gitanes de LA Catinou...et puis si tu savais comme j'ai évolué...! avant c'étai un autre Loup qui plantait ses crocs partout ou il le pouvait!

    3
    Samedi 27 Août 2016 à 17:15

    Hou la !!! déjà difficile à lire alors je me doute qu'à accepter pour toi ça n'a pas du être simple !!! ce tableau loin d'être idyllique, est pourtant très intéressant et me laisse pensive ................... comment aurais je vécu où survécu dans une telle situation ?   Ben en fait : sais pas !!! sarcastic

    Merci pour ce partage quelque part courageux !!!

    Bises et bon weekend  

      • Mardi 13 Septembre 2016 à 05:14

        Pris par "l'ambiance " de ce monde parallèle, privé de recul et de discernement, je n'ai pas su faire autrement que de participer à cette vie.

        Que pourrions-nous reprocher à cette catégorie de gens, nous les "gens de bien" qui les envoyons vivre sur des décharges publiques au milieu des immondices et des rats , en les gratifiants de carnets  anthropométriques pour mieux  les asservir ?

        Nous avons même nier l'existence de l'holocauste des nazis ( crhistian BERNADAC in l’holocauste oublié ) que je recommande de lire.

        Je suis toujours en contacte avec des descendants de cette famille, certains sont des pasteurs renommés.

    4
    Louise
    Dimanche 11 Septembre 2016 à 20:49

    Je viens de lire votre récit.

    Quelle aventure, sordide dirais-je. Ah, les coutumes ! Cela se passe (ou se passait) autrement dans des ailleurs, qui n'étaient pas meilleurs.

    Ce n'est guère plus édifiant de nos jours dans maintes contrées de notre cher globe... terrestre.

    Savez-vous ce qu'il est advenu du garçon nommé Yempa ?

    Tendresse.

      • Mardi 13 Septembre 2016 à 05:20

        Chére Louise,

        quel triste constat...Daesch et ses esclaves sexuelles, etc....le monde  tourne bien et va dans la direction prévue !

        Yempa n'est pas réapparu lors d'une visite de la famille. Ces sujets " d' esprits torturés" ne doivent pas âtre abordés dans nos familles. Les tabous sont nombreux car n'oubliez pas qu'à la base les racines de ces peuples sont des Indes... avec le respect des castes transposées  dans les pays qu'ils ont traversés;

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