• L'HOMME AUX YEUX DE LAPIN FIN)

     

    Quelques jours se sont écoulés depuis le départ « de la tribu prophétique».

    Je me suis rendu à leur campement pour régler une affaire. J'avais négocié avec un magasin de souvenirs, la vente de panières en osier ; 

    La demande de l'époque portait sur plusieurs centaines de pièces distribuées dans des magasins recevant une clientèle nombreuse de touristes.

    La difficulté était de faire comprendre aux fabricants (mes amis les Manouches ) qu'il fallait tenir leurs engagements et qu'une fois une importante somme d'argent empochée ils devaient honorer les demandes.....ce qui fut impossible à réaliser.

     

    Grosse effervescence dans cette ruche où si tu ne prends pas garde, tu es attaqué par les guêpes; bien sûr très imagée cette comparaison mais très proche de la réalité. Leur unique moyen de faire entrer de l'argent c'est le commerce et le troc et là, j'ai vu de tout.

    Ce que je vais vous rapporter est entièrement vrai et dépasse les limites du raisonnable.

    Un attroupement composé d' une dizaine d'hommes s'est formé au cul d'une BMW rutilante, de couleur noire.

    Celui qui semble en être le conducteur est négligemment appuyé contre l'intérieur de la portière ouverte, avant gauche, le moteur tourne au ralenti, prêt à partir.

    La malle arrière est grande ouverte, dans le coffre je distingue trois petites valises. Dans leur écrin de velours noir apparaît une collection de montres de grande valeur me semble t il.

     

    Le deuxième homme, sapé comme un milord porte beau. Grand brun, de carrure imposante, ses deux mains sont ornées nombreuses bagues en or, représentant une tour Eiffel, un fer à cheval, une tête de lion et d'autres motifs tous aussi proéminent, disproportionnés, ayant deux buts : celui d'impressionner et de faire très mal en cas de bagarre.

    Les discutions vont bon train et me donnent le loisirs d'approcher sans que personne ne me re­marque. Bougodon me capte du coin de l'œil, il me fait signe de me taire et pour me «fondre» dans ce groupe m'adresse quelques mots dans sa langue maternelle... et paternelle. (Trad. phonétique)

    «jalla phral itsa, came te pilles birra? ( ça va frère il fait chaud tu veux boire une bière?)

    «ova, iman douye birra drein wagi ape ky (bien sur j'ai deux bières dans la voiture tu viens?)

     

    La conversation n'a pas échappé au «vendeur à la sauvette» qui me montrant du doigt de­mande «kouni kava» (qui est-ce)

    Avant que quelqu'un ne réponde je m'adresse à lui «kichi bicraves le» (combien tu les vends ) ouf! Nous parlons la même langue. Des informations se font entendre dans le groupe: « ilo Philippe, le chiffonnier, il rachète tout, c'est un homme, un voyageur... ».

     

    Mais à ce moment précis, l'homme aux yeux de lapin, caché par le groupe apparaît. Il porte au poignet droit trois superbes montres d'homme qui rendant jaloux le poignet gauche en porte autant. Six montres pour un garçon qui ne sait pas lire et écrire, voilà de quoi occuper ses longues journées.

    Après quelques mots rapides, le coffre est refermé. J’aperçois sur la banquette arrière une jeune fille qui gesticule et que calme le vendeur d'une magistrale paire de gifles.

    Dans un nuage de poussière la voiture et son contenu disparaissent, laissant là le groupe qui ne dit mot.

     

    Venant vers moi, me serrant dans ses bras pour me dire bonjour Bougodon me dit « mon beau-frère vient d'échanger sa femme contre six montres! il est fou, quand l'homme (le vendeur) verra que ma sœur est enceinte il voudra reprendre ses montres! Quelle histoire ça va faire».

     

    La fin de cette aventure tragi-comique est rocambolesque.

    Le bébé du couple a été recueilli par une des femmes de la famille qui ne pouvait avoir d'enfant et qui deviendra sa mère de façon tout à fait illégitime.

    Certains actes de naissance ont été arrangés pour le plus grand bien de tous, je le reconnais de façon illégale... mais des fois seul le résultat compte.

     

    La jeune femme, alors âgée de seize ans, a été livrée à la prostitution dans la périphérie de Lyon. Trois mois plus tard alors qu'elle venait d'être vendue à un réseau de prostitution, elle s'est échappée parcourant le chemin du retour en trois semaines. Son acheteur a été confondu entre temps pour le casse de la bijouterie dans laquelle il avait dérobé les montres. Happy-end me direz-vous.

     

    Ce benêt d « ' œil de lapin » s'est fait voler les montres, sa femme a été récupérée par un jeune ma­nouche avec qui elle ne tarda pas d'avoir plusieurs enfants. Quant au héros de cette épopée, je ne sais ce qu'il est devenu.

    Les acteurs de ce théâtre ambulant de la comédie de la vie, ont été nombreux. Chacun a joué un acte, une scène puis après avoir fait trois petits tours sont repartis. Il en est de même pour moi.

     

    Je vous dois un grand merci pour m'avoir accordé votre confiance.

    Je ne cherche pas à attirer votre pitié....c'est un monde parallèle et cruel dans lequel j'ai évolué et qui pendant un temps m'a collé à la peau.....pourquoi le nier.

     

    Le changement de nos personnalités est possible et je dois beaucoup à quelques personnes qui m'ont tendu la main et tenu le clavier pour que je puisse exprimer ce que j'avais sur le cœur......EKLABLOG. (et le personnel ), Annie qui un jour m'a dit : t'es un con...prouve moi le contraire, Suzanne et Jany...tant d'autres avec Sérénita (!).. et CATINOU ..... et maintenant : VOUS.

    « L'HOMME AUX YEUX DE LAPIN (suite et hauts le cœur)Réponse à une amie du Quebec »
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  • Commentaires

    1
    Jeudi 18 Mai 2017 à 18:18

    Bonjour Loupzen,

    La vie est souvent difficile et la fiction dépasse parfois la réalité.

    Une chose est sûre, c'est que tu es un conteur hors pair qui possède le talent de nous distraire autant que celui de nous émouvoir.

    Eklablog ne serait pas la même sans toi, alors c'est nous qui te remercions yes.

    Longue vie à tes écrits !

    Avec toute mon amitié,

    Sérénita 

      • Jeudi 18 Mai 2017 à 20:38

        Nos chemins se sont croisés au bon moment.....et tu m'as apporté ce dont j'avais besoin : la Sérénita.

    2
    Vendredi 19 Mai 2017 à 08:38

    J'avoue humblement que je suis toujours atterré de savoir qu'au 21ème siècle l'homme reste un barbare sans foi ni loi... peu importe la race, la religion ou les convictions des uns et des autres: en définitive c'est toujours l'avidité et l'égoïsme qui resurgissent.

    Et je plains ceux qui en sont les victimes, telle cette pauvre fille échangée contre des montres...

    Bonne journée

    3
    Vendredi 19 Mai 2017 à 11:34

    La terre est peuplée de gens à problèmes : ceux qui les provoquent et ceux qui les subissent.

    Quelle planète  où règne en maître le "dieu" pognon ( sous toutes ses formes )

    Bon vendredi chez toi et merci pour ton commentaire sympa sur mon blog.

    4
    Vendredi 19 Mai 2017 à 13:11

    Ben dis donc...... une vie chez ces gens là qui n'est vraiment pas enviable !!! ......je savais qu'elle n'était pas facile mais je crois maintenant que dans l'ensemble elle est assez terrifiante, surtout pour les femmes !!! J'ose espérer quand même que bien des familles des gens du voyages peuvent s'épanouir beaucoup plus ...."sereinement"....

    Bisousss et merci pour ce témoignage de ton vécu

    5
    Dimanche 21 Mai 2017 à 16:32

    Bonjour, un petit passage rapide car trop bousculé par le déménagement et le réaménagement;

    Bonne route et n'oublie pas de penser à toi...

    Bises.

    6
    Lundi 22 Mai 2017 à 10:21

    salut

    je viens commenter sur la fin de cette histoire passionnante

    merci de ce partage des aventures du peuple des voyages et des différentes communautés que l'on ne connait pas

    sauf si quelqu’un de gentil en parle

    7
    Mercredi 24 Mai 2017 à 18:38

    Bonjour,

    Ce texte écrit par un ancien du cru a une portée sociologique implicite : il est édifiant. Pour moi, c qui y est décrit est un autre monde mais tout de même une réalité que je connais de nom... et de loin. Elle se voit, surtout grâce aux règlements sur l'espace Schengen. Personnellement, je préfère rester éloigné des Roms et de toute personne appartenant à des ethnies et des cultures où le bruit, l'extraversion, le boniment voire la tromperie et du coup la violence et le délit voire le crime sont devenus la norme. Beaucoup de cultures africaines fonctionnent aussi ainsi en se légitimant par une très déplacée réparation historique. Réparer l'injustice par l'injustice est tellement saugrenu !

    J'ai une méfiance instinctive lorsque je vois effectivement de telles personnes. Je laisse mon intuition me guider et reste sur mes gardes. Souvent, j'ai raison de me méfier : je vois bien que je suis jugé sur ma seule apparence d'homme blanc et supposé riche ou en meilleure situation matérielle, donc à tromper et indigne de respect. En général, je ne me sens pas mal avec quelqu'un par hasard : c'est presque toujours justifié. Toutefois, je refuse rarement d'échanger quelques mots si le contexte s'y prête avec ces gens (autres personnes alentour) et que je parviens à maintenir une distance spatiale de plusieurs centimètres. Je suis un introverti et déteste de toute manière la proximité en tout lieu et avec quiconque. 

    Mes mots peuvent sembler choquants mais cette discrimination m'est vitale : je ferme la porte à la violence envers moi dont le racisme et la xénophobie qui atteignent aussi les blancs quoi que les idéologies antiracistes puissent affirmer et dénier. A partir du moment où je fais l'effort d'accueillir l'autre dans ma vie, empathie naturelle oblige, je ne retiens que ceux qui font un effort à mon égard... et exclus les autres. La sagesse commande parfois une rigueur éthique nécessaire : le pacifisme ne doit pas devenir l'alibi de la lâcheté. Vouloir la paix entre les cultures est différent de la faiblesse et du consensus mou auxquels bon nombre se conforment depuis des années, ce qui a ouvert la voie au terrorisme islamique par exemple. On ne respecte jamais un être ou une population faible. C'est une vérité universelle et valable chez les animaux également. C'est la vie : le rapport de force est son fondement autant que la solidarité... qui ne s'exerce jamais de façon inconditionnelle mais mesurée et adéquate.

    L'intérêt de ton texte est qu'il dévoile le revers sombre de la réalité Rom dont les femmes, comme dans toutes les cultures très patriarcales, paient le prix fort. Evidemment, ça temporise mon ressenti négatif habituel, encore que je n'ignorais pas complètement cette réalité : j'ai rencontré des Roms sédentarisés. je reste divisé face à ces cultures qui acceptent la duperie comme base relationnelle à l'autre, ce qui d'ailleurs ne cessent jamais de me surprendre. D'ailleurs, j'ai la même retenue vis-à-vis de la partie des cultures italienne ou chinoise établie sur des règles mafieuses déjà anciennes et reconnues. Et c'est sans doute, ce qui nourrit ma méfiance : moi qui est été éduqué à la valeur de la parole donnée et du respect mutuel, j'ai du mal à saisir ce fonctionnement moral avec le cœur. Je ne le conçois qu'intellectuellement et j'en reste sidéré, je crois. Ce qui explique la distance que je mets intérieurement et physiquement dès que possible entre des gens de certaines cultures et moi. Oui, c'est ainsi que je vois les choses : un choc CULTUREL avant d'être un choc humain, voire sans doute essentiellement ça.

    j'espère que tu ne seras pas trop dérangé par mes propos, le Loup. Mais je suis honnête. J'en suis là aujourd'hui. Après, je peux changer d'opinion à partir de faits récurrents et fréquents s'ils adviennent. Remettre en cause des certitudes ne me gêne pas. C'est aussi la vie... mais le terrain doit certifier la remise en cause. Tout ce que je veux, c'est l'égalité de respect entre moi et mes interlocuteurs quel qu'ils soient et d'où qu'ils viennent. Ce qui compte le plus est de reconnaître au sein d'une culture fondée sur la corruption les individus qui, eux, recherchent l'honnêteté et la qualité humaine. Car évidemment, aucun groupe social n'est parfaitement uniforme.

    A bientôt !

    8
    Jeudi 25 Mai 2017 à 08:57

    Bonjour Monsieur Loup,

    J'ai envie de répondre, mais je ne sais que dire. Te dire que j'ai lu, d'abord. Te faire savoir que je suis passée et que je t'ai lu. Ne pas me comporter en sous marin. Trop de textes à la fois riches d'enseignements, d'expérience, d'humanité passent à la trappe des commentaires au profit d'autres dont les auteurs ne mériteraient même pas de savoir qu'internet existe.

    C'est extrêmement généreux de ta part de nous transmettre des bouts de ta vie. Bien sûr, je ne me leurre pas, la générosité est toujours un peu égoïste, d'une certaine façon. Ici, elle semble te soulager. Dans " écrire ", il y a " cri ". On écrit comme on cri, n'est-ce pas ? J'espère que cette écriture t'apaise car des douleurs, tu en portes plus que nécessaire.
    Ce que j'aimerais savoir, c'est COMMENT tu as pu échapper à un environnement qui, à priori, semble enfermé dans son système et dont on a l'impression qu'il est impossible de le quitter.
    T'es tu tout bonnement enfui ? As-tu changé d'identité ? De physique ? Bien entendu, je n'attends pas de réponse. Je dis simplement ce qui me traverse l'esprit.

    A toi tout seul, tu révèles et mets en exergue les différences caractérielles entre les êtres. Il y a ceux qui se plaignent d'un rien sans mesurer leur chance ou le dérisoire de leurs mécontentements quotidiens. Et il y a les autres. Ceux qui ont une véritable histoire. Ceux qui avancent et s'élèvent toujours.

    Merci.

     

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